29/10/2025

Comprendre la répartition des crédits et dettes lors d’un divorce : ce que décide le tribunal familial

Les principes généraux de la répartition : dépendance au régime matrimonial

La règle fondamentale en matière de répartition des dettes et crédits lors d’un divorce dépend du régime matrimonial choisi lors du mariage. Les deux régimes les plus courants en France sont :

  • La communauté réduite aux acquêts (régime légal par défaut)
  • La séparation de biens

Selon le rapport de la Direction de l’information légale et administrative (Service-public.fr), près de 80% des couples mariés en France sont sous le régime de la communauté réduite aux acquêts.

Régime de la communauté réduite aux acquêts

Sous ce régime, tous les biens et dettes contractés pendant le mariage sont en principe communs, à l’exception de ceux acquis avant le mariage ou des biens reçus en héritage ou donation.

  • Les crédits contractés pendant la vie commune (immobilier, consommation, etc.) sont considérés comme engagements communs, sauf preuve d’un acte manifestement excessif ou pour des besoins personnels d’un seul époux.
  • Les dettes contractées par un époux pour des dépenses manifestement exagérées ou pour son intérêt exclusif peuvent toutefois rester à sa charge exclusive (article 220 du Code civil).

Dans plus de 60% des divorces judiciaires (statistiques Chancellerie 2022), le partage se borne à une égalité stricte : la moitié des dettes et crédits à chacun, quelles que soient les modalités de paiement choisies ensuite entre les époux.

Régime de la séparation de biens

Ici, chaque époux conserve l’administration, la jouissance et la disposition de ses biens personnels et répond des dettes qu’il a souscrites en son nom propre. Seules les dettes contractées ensemble engagent les deux parties.

  • Un prêt souscrit à deux sera partagé entre les ex-époux selon leur part dans le contrat (souvent 50/50, sauf stipulation contraire).
  • Un crédit pris par un seul époux reste sa charge, sauf si l’autre a manifestement bénéficié de la somme (appréciation du juge en cas de contestation).

À souligner : les PACS et concubinages obéissent à d’autres logiques, qui ne sont pas abordées ici.

Quels crédits et dettes sont concernés par la liquidation ?

Au moment du divorce, la liquidation du régime matrimonial vise à établir un inventaire précis :

  • Les crédits en cours : prêt immobilier, crédits à la consommation, crédit auto, etc.
  • Les dettes fiscales ou sociales, sous réserve de leur rattachement à la période du mariage
  • Les dettes contractées pour la vie courante : factures d’énergie, travaux, soins médicaux, etc.

Ne sont en principe pas concernées :

  • Les dettes strictement personnelles (dettes antérieures au mariage, amendes, etc.)
  • Les dettes démontrées comme ayant profité exclusivement à l’un des époux

Une réalité plus complexe dans la pratique

Les banques restent en droit d’exiger le remboursement intégral auprès de l’un ou l’autre des époux, sans se soucier de la répartition décidée par le juge (article 220 du Code civil). Il est donc essentiel de procéder à la désolidarisation (notamment pour les comptes joints ou crédits partagés) après le divorce.

Cas fréquent : si un ex-époux fait défaut de paiement, l’autre peut se voir réclamer la totalité de la dette par la banque, d’où l’importance de définir, dans le protocole de liquidation ou la convention de divorce, les modalités de remboursement.

Comment le juge statue-t-il sur la répartition ?

Le juge aux affaires familiales (JAF) ou le notaire (en cas de divorce par consentement mutuel notarié) dresse un état des dettes à liquidater. Il peut alors :

  • Acter un partage par moitié (cas le plus courant)
  • Prévoir des compensations (soulte) si l’un prend en charge une dette plus lourde
  • Attribuer la totalité d’une dette à un époux s’il est démontré qu’elle a été contractée à son seul bénéfice (article 1479 du Code civil)

Cas pratiques : exemples issus de jurisprudence récente

  • Crédit immobilier : Si la maison est attribuée à l’un des ex-époux, il supportera généralement le crédit restant, mais l’autre pourra obtenir une compensation (soulte) selon ses droits dans le bien.
  • Crédit à la consommation : Contracté par un seul pour des achats personnels, peut rester à sa charge si l’autre démontre l’absence de bénéfice commun.
  • Découvert bancaire partagé : Est souvent réparti selon les apports ou la gestion du compte s’il s’agissait d’un compte joint.

Pour donner un ordre d’idée, dans un divorce sur quatre, au moins une contestation porte sur des dettes ou sur un solde négatif du patrimoine à liquider (source : Ministère de la Justice, 2022).

Astuces et recommandations pour mieux gérer la liquidation des dettes

  • Lister avec précision l’ensemble des dettes : aucune dette ne doit être omise lors de l’inventaire. Les relevés de comptes, contrats et factures sont essentiels.
  • Anticiper la désolidarisation des comptes et des crédits auprès des organismes bancaires et prêteurs, idéalement dès la mise en instance du divorce.
  • Documenter l’usage des sommes empruntées pour pouvoir, le cas échéant, démontrer leur caractère personnel ou commun.
  • Accepter, en cas d’accord entre les époux, une répartition négociée qui pourra être homologuée par le juge ou intégrée à la convention de divorce.

Dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel, 90% des ex-époux parviennent à un accord sur la gestion des dettes, ce qui facilite l’étape de liquidation (Source : Conseil supérieur du notariat).

Focus : Le cas particulier des cautions et des dettes cachées

Certaines dettes, souvent méconnues au moment du partage, peuvent resurgir après le divorce : caution d’un prêt pour un tiers, dettes professionnelles liées à une entreprise individuelle, dettes d’impôts réclamés après vérification fiscale. Le tribunal familial tient compte de l’information et de la bonne foi des époux pour départager ces situations complexes.

Et les enfants dans tout ça ?

La répartition des dettes et crédits ne doit pas être confondue avec la pension alimentaire due pour l'entretien ou l'éducation des enfants. Il arrive aussi que certains crédits aient été contractés pour financer des frais liés à l’enfant (études, santé). Les juges veillent cependant à distinguer précisément les dettes purement familiales et parentales, celles-ci étant alors partagées proportionnellement à la capacité contributive de chaque parent.

Dans tous les cas, l’intérêt des enfants reste la préoccupation centrale du tribunal, en matière de patrimoine comme dans le reste de la procédure (article 373-2-6 du Code civil).

Outils et ressources pour accompagner la répartition des dettes

  • Notaires.fr : propose des fiches pratiques sur la liquidation du patrimoine, avec simulateurs de partage [lien]
  • Service-public.fr : pour les textes de référence, modèles de lettres, et simulateurs de droits [lien]
  • Conseil départemental d’accès au droit (CDAD) : permanences gratuites d’information juridique

Face à la complexité croissante des situations financières familiales (augmentation des crédits à la consommation et du surendettement selon les chiffres de la Banque de France), être rigoureux et bien accompagné est déterminant pour éviter que la séparation ne débouche sur des difficultés financières prolongées.

Résumé pratique et perspectives pour mieux aborder le partage des dettes au divorce

La répartition des dettes et crédits lors d’un divorce ne relève pas du hasard : elle répond à des règles juridiques précises, fortement influencées par le régime matrimonial. Dans la plupart des cas, la répartition se fait par moitié, sauf juste cause (dépense excessive, crédit exclusivement personnel). Le juge tranche en fonction de la preuve et de l’équité. Un inventaire précis, un dialogue ouvert (quand il est possible) et un accompagnement professionnel permettent d’aborder plus sereinement cette étape.

Dans un contexte où près d’un mariage sur deux finit aujourd’hui par un divorce (source : INSEE, données 2023), il est probable que ces problématiques de partage financier gagnent encore en complexité. S’informer et rester attentif à ses droits et obligations est plus que jamais essentiel.

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