26/10/2025

Divorce : quel sort pour le logement familial ? Explications sur la procédure devant le tribunal

Comprendre le poids du logement familial lors du divorce

Le logement familial occupe une place centrale dans toute procédure de divorce. Il s’agit du domicile où vivent les époux et, souvent, les enfants. C’est bien plus qu’un bien matériel : c’est le cadre de vie, le lieu où s’organise la vie familiale. Lorsqu’un divorce est envisagé, la question du devenir de ce logement cristallise souvent de fortes tensions. Qui peut y rester ? À quelles conditions ? Peut-il être vendu ou attribué à l’un des conjoints ? Ce sujet est régulièrement source de litiges, notamment en présence d’enfants ou de situations financières complexes.

La notion juridique de « logement familial »

Le terme de « logement familial » désigne le lieu de résidence principal de la famille au moment de l’introduction de la procédure de divorce (article 215 du Code civil). Il peut s’agir d’un bien appartenant en propre à l’un des époux, détenu en indivision, ou loué en commun. Attention, la notion ne recouvre pas une résidence secondaire, ni un bien non affecté à la vie commune.

  • Propriété : Le bien peut appartenir à un ou aux deux époux, ou encore être un bien commun dans le régime de la communauté.
  • Location : Les deux conjoints sont souvent co-titulaires du bail, même si un seul a signé initialement.
  • Indivision : Le logement est détenu ensemble, hors régime de communauté.

Les grands principes de l’attribution du logement familial par le juge

Au moment du divorce, si les époux ne s’accordent pas à l’amiable, c’est le juge aux affaires familiales qui tranche sur la jouissance du logement familial (articles 255 et 285-1 du Code civil). Plusieurs critères sont pris en compte pour décider à qui le logement reviendra temporairement (durant la procédure) ou durablement (après le divorce).

  • Intérêt des enfants : Maintenir la stabilité du cadre de vie est une priorité. Environ 8 divorces sur 10 avec enfants voient le logement attribué à l’époux qui en a la résidence principale (Ministère de la Justice).
  • Situation financière : Les capacités financières sont examinées. Un époux en difficulté financière pourra plus facilement se voir attribuer l’usage du logement, via un bail ou un droit d’usage temporaire.
  • Nature du logement : Est-il loué, acheté à deux, ou appartient-il à un seul ? Le juge statue différemment selon les cas.
  • Accords éventuels entre époux : Un compromis à l’amiable, validé par le juge, reste la meilleure solution.

Le logement en propriété : attribution temporaire et partage définitif

Jouissance du domicile pendant la procédure

Dès l’ordonnance de non-conciliation, le juge peut attribuer à l’un des époux la jouissance exclusive ou partagée du logement familial à titre « provisoire ». Cette mesure vise à préserver la stabilité des enfants et prévenir les conflits pendant la durée de la procédure. Notons que la notion de « jouissance » ne signifie pas transfert de propriété.

  • Exclusivité d’occupation : L’autre conjoint doit quitter le logement, sauf décision de partage de jouissance.
  • Indemnité d’occupation : Si un époux reste dans un bien en indivision, il peut devoir une indemnité à l’autre après le divorce ; son montant dépend de la valeur locative du logement.
  • Droit au maintien des enfants dans leur cadre de vie : Souvent mis en avant, il justifie la décision du juge.

Décision définitive après le divorce

À l’issue du divorce, plusieurs options existent selon la nature du droit sur le logement :

  • Vente du bien : Si aucun des conjoints ne souhaite (ou ne peut) reprendre le logement, il est vendu et le prix réparti selon la quote-part de chacun.
  • Attribution à un époux : Le juge peut transférer la propriété à l’un des conjoints moyennant une soulte (somme d’argent compensant la part de l’autre), surtout si un accord existe ou dans l’intérêt supérieur des enfants.
  • Maintien en indivision : Possibilité de rester copropriétaires, par exemple jusqu’à ce que les enfants soient majeurs ou que la situation évolue. Ce choix peut générer des conflits de gestion.

Selon l’Insee, en 2019, environ 20 % des couples divorcés ayant un bien immobilier le laissent en indivision à la suite du jugement, du fait de difficultés à vendre ou racheter la part de l’autre (Insee, 2019).

Le cas du logement loué : droits et obligations

Si le logement familial est une location, le juge se réfère à l’article 1751 du Code civil. En principe, le bail est attribué à l’époux qui conserve la résidence des enfants, sauf accord différent.

  • Co-titularité : Le bail est réputé signé par les deux époux, même si un seul est présent sur le contrat.
  • Transfert du bail : Le juge peut transférer intégralement le bail à l’un, ce qui nécessite une notification au propriétaire.
  • Résiliation du bail : Possible d’un commun accord. Attention aux risques d’abandon, qui peuvent générer des dettes locatives.

Environ 32 % des familles concernées continuent d’habiter le même logement loué dans l’année suivant un divorce, souvent pour maintenir la stabilité scolaire et sociale des enfants (CAF, 2018).

Cas particuliers : crédit immobilier, second mariage, logement de fonction

Gestion du crédit immobilier en cas de divorce

Lorsque le bien immobilier fait l’objet d’un crédit en cours, la banque reste prioritaire sur le remboursement. Si l’un des conjoints reprend le bien, il doit généralement racheter la part de l’autre et demander à la banque d’être désolidarisé du prêt. À défaut, les deux restent co-emprunteurs. D’où d’importantes conséquences financières à anticiper.

  • Rachat de soulte : Nécessite une estimation du bien et une capacité de financement suffisante.
  • Banque en position de force : Elle peut refuser la désolidarisation si le conjoint repreneur n’offre pas assez de garanties.
  • Endettement : En cas de défaut, la banque peut se retourner contre les deux ex-époux.

Logement de fonction ou logement lié à une activité professionnelle

Si le logement familial est un logement de fonction, il n’appartient ni à l’un ni à l’autre, et le sort dépend des décisions de l’employeur. Le juge privilégie l’attribution d’un logement indépendant au parent gardien des enfants.

Remariage, déménagement, recompositions familiales

L’arrivée de nouvelles familles recomposées ne remet pas en cause le jugement initial sur le logement, mais peut donner lieu à révision si les intérêts des enfants l’exigent (nouvelle scolarisation, déménagement lointain, etc.).

L’importance de l’accord amiable et de la médiation

Seul un tiers des divorces donnent lieu à un contentieux lourd sur le sort du logement familial (Sources, Justice.gouv.fr). Dans 70 % des cas, les époux parviennent à s’accorder (avec ou sans médiation familiale). La médiation permet de trouver des solutions sur-mesure : différer la vente, fixer des modalités de sortie de l’indivision, organiser la garde des enfants, etc.

  • La convention de divorce : Peut prévoir toutes les modalités souhaitées, sous supervision du juge.
  • Après-homologation : L’accord a valeur de décision de justice.

Points de vigilance et conseils pratiques

Situation Points à retenir
Bail locatif commun Demander transfert ou résiliation du bail rapidement pour éviter tout contentieux avec le propriétaire.
Bien en indivision Clarifier rapidement la gestion du logement et prévoir une indemnité d’occupation si applicable.
Prêt immobilier Anticiper la question du rachat de soulte et de la désolidarisation, se rapprocher de la banque en amont.
Présence d’enfants Les choix doivent toujours tenir compte de leur intérêt et de leur stabilité.

À noter : chaque décision sur le logement familial est réversible si la situation évolue (perte d’emploi, mutation, réexamen des modes de garde). Il est donc utile de faire préciser dans la convention ou le jugement les modalités de réexamen possible.

Aperçu des options et points clés en cas de désaccord

  • En cas d’absence d’accord, le juge aux affaires familiales tranche, toujours sous le contrôle du ministère public lorsque des enfants sont impliqués.
  • Le recours à un notaire est obligatoire pour la liquidation des biens immobiliers détenus en commun ou en indivision.
  • Faire appel d’une décision relative au logement est possible dans le délai de droit commun (15 jours en cas de mesures provisoires, un mois pour le jugement définitif).

Perspectives et évolutions en matière de justice familiale

Le devenir du logement familial continue d’être un enjeu central dans les réformes du divorce. Le législateur met l’accent sur la recherche d’accords amiables et sur la protection de l’enfance. La tendance est à la simplification des démarches, mais les situations de blocage subsistent, en particulier lors de difficultés financières ou de gestion en indivision. Une meilleure anticipation (avec l’aide d’un notaire ou d’un avocat), et la médiation familiale, restent les clés pour sortir de l’impasse et reconstruire un nouveau cadre de vie, pour soi comme pour ses enfants.

Enfin, il est essentiel de s'informer au plus tôt, avant même la séparation effective : la préparation des dossiers, la résolution amiable et la prise en compte de l’intérêt des enfants permettent d’éviter les procédures longues et conflictuelles devant le tribunal familial.

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