24/09/2025

Qui décide et pourquoi ? Les différents juges dans une procédure de divorce au tribunal familial

Comprendre la pluralité des juges en matière de divorce

Un divorce engage bien plus qu’un simple couple : il mobilise la justice, les professionnels du droit, mais aussi plusieurs juges aux rôles bien distincts. Si la figure du "juge aux affaires familiales" (JAF) est largement connue, la réalité de la justice familiale est plus complexe. Cette pluralité répond à la diversité des situations familiales, des conflits et des enjeux personnels ou patrimoniaux.

En France, chaque année, près de 130 000 divorces sont prononcés par les juridictions civiles (INSEE), impliquant une organisation spécifique des tribunaux pour traiter à la fois l’aspect humain, patrimonial et, souvent, la protection des plus vulnérables : les enfants.

Le Juge aux Affaires Familiales (JAF) : la figure centrale

Le JAF est le magistrat le plus emblématique pour toute procédure de divorce. Nommé au sein du tribunal judiciaire, il est un juge du siège, c’est-à-dire indépendant dans ses décisions. Son rôle est central, mais il ne doit pas faire oublier l’existence d’autres acteurs clés.

Quelles sont les missions du JAF ?

  • Statuer sur la demande de divorce (consentement mutuel judiciaire, acceptation du principe de la rupture, faute, altération définitive du lien conjugal).
  • Homologuer ou refuser les accords passés entre les époux sur les conséquences du divorce (garde des enfants, pension alimentaire, prestation compensatoire).
  • Prendre des mesures provisoires pendant la procédure, si nécessaire (résidence séparée, jouissance du domicile conjugal, organisation de la vie courante des enfants, etc.).
  • Se prononcer sur l’exercice de l’autorité parentale.

En pratique, le JAF cumule plusieurs casquettes lors d’une même affaire, notamment dans les procédures de divorce conflictuelles où il doit décider à la fois du principe et des conséquences concrètes de la rupture.

Le JAF, un juge spécialisé au sein du tribunal judiciaire

Depuis la réforme des juridictions intervenue au 1er janvier 2020, le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance ont fusionné pour devenir le tribunal judiciaire. Le JAF y tient une place à part entière, exclusivement consacré aux affaires familiales (Ministère de la Justice).

Autres juges pouvant intervenir dans une procédure de divorce

Contrairement à l’idée reçue, la procédure de divorce ne mobilise pas seulement le JAF. Selon la nature et la complexité de l’affaire, d’autres juges peuvent intervenir.

Le juge des enfants : une intervention spécifique

  • Le juge des enfants n’intervient PAS dans la procédure de divorce classique.
  • Son intervention survient en cas de situation mettant en danger la santé, la sécurité ou la moralité d’un enfant (procédure d’assistance éducative, signalement).
  • Il peut alors être saisi parallèlement à la procédure de divorce, pour prendre des mesures de protection (placement provisoire, mesure d’assistance, etc.).

Cet aspect concerne environ 19 000 enfants chaque année dans le cadre d’assistances éducatives suite à séparation conflictuelle ou difficultés majeures (Ministère de la Justice, chiffres 2022).

Le juge des tutelles et le juge des contentieux de la protection

  • En présence d’un conjoint majeur protégé (tutelle, curatelle), le juge des tutelles doit être informé et saisi pour autoriser certains actes liés au divorce.
  • Ce juge protège les intérêts d’une personne vulnérable pendant la procédure.

D’après les statistiques du Ministère de la Justice, près de 730 000 mesures de protection des majeurs étaient en cours en 2021, dont une part concerne des personnes engagées dans une procédure de divorce.

La chambre de la cour d’appel : le juge du second degré

  • En cas de contestation d’une décision du JAF, l’un des époux peut faire appel.
  • La cour d’appel (chambre familiale ou « chambre des affaires familiales ») statue alors à trois magistrats professionnels sur l’ensemble du litige.
  • Cette voie est empruntée par environ 10 à 15 % des affaires de divorce portées devant les juridictions de première instance (Statistiques Justice.fr).

L’appel rejuge l’affaire en fait et en droit, ce qui signifie que la cour d’appel peut totalement revoir la décision du JAF.

La chambre civile de la Cour de cassation : l’ultime recours

  • En dernier recours, il est possible de se pourvoir en cassation contre un arrêt d’appel en matière de divorce.
  • La Cour de cassation ne rejoue pas l’affaire mais contrôle la correcte application du droit par les juges du fond.
  • Chaque année, moins de 2 % des décisions de divorce font l’objet d’un pourvoi en cassation.

Procédure de divorce et mesures d’urgence : le juge des référés

Dans certaines situations d'urgence, des mesures provisoires doivent être adoptées rapidement, par exemple pour mettre un terme à des violences conjugales ou protéger un patrimoine. Le juge des référés, magistrat du tribunal judiciaire, peut alors être saisi parallèlement au JAF. Il rend une ordonnance pour trancher sur un point précis, souvent à titre conservatoire.

  • Exemple : Interdiction pour un époux de revenir au domicile conjugal en cas de violences avérées.
  • Blocage temporaire des comptes bancaires ou des meubles afin de préserver les droits de chacun dans l'attente de la décision de divorce.

Selon le rapport de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences, 61 000 ordonnances de protection ont été prononcées en 2022 dans le contexte de séparations ou divorces conflictuels (MIPROF).

Tableau récapitulatif : quels juges pour quelles situations ?

Juge Situation d'intervention Décisions prises
Juge aux affaires familiales (JAF) Tous les divorces judiciaires, mesures provisoires, droits parentaux Prononcé du divorce, modalités de garde, pensions, partage du patrimoine
Juge des enfants Protection des mineurs en danger Assistance éducative, placement, mesures de protection
Juge des tutelles Divorce impliquant une personne majeure protégée Autorisation d’actes, protection des intérêts du majeur
Juge des référés Urgence (violences, risque de dispersion des biens) Mesures conservatoires, éloignement, ordonnances de protection
Cour d’appel – Chambre de la famille Appel d’une décision du JAF Confirmation ou réformation du jugement sur tous les points contestés
Cour de cassation Pourvoi exceptionnel sur les erreurs de droit Cassation, rejet ou renvoi devant une autre cour

Pourquoi cette diversité des juges ?

La procédure de divorce mobilise plusieurs juges pour mieux s’adapter aux réalités de chaque dossier. Chaque situation de divorce est différente : présence d’enfants, de personnes vulnérables, d’un patrimoine conséquent ou de conflits aigus peut justifier l’intervention d’un magistrat spécialisé. Cette organisation garantit aussi une meilleure impartialité et un contrôle des décisions à chaque étape.

La durée moyenne d’une procédure de divorce varie en fonction de la complexité de la situation : une procédure contentieuse devant le JAF dure en moyenne 24 mois, contre 6 à 8 mois pour un divorce par consentement mutuel judiciaire (Ministère de la Justice).

Pour aller plus loin : anticiper les enjeux du choix du juge

Identifier quel juge sera compétent permet de mieux préparer son dossier et d’éviter des erreurs de procédure parfois lourdes de conséquences : saisir le mauvais juge, tarder pour agir en cas d’urgence ou ne pas anticiper la spécificité d’une situation familiale.

  • Avant d’engager une démarche, bien vérifier si une protection est nécessaire pour un enfant ou un majeur vulnérable.
  • En cas de risques immédiats, ne pas hésiter à se tourner vers le juge des référés.
  • En cas de désaccord avec une décision, se renseigner rapidement sur les délais d’appel ou de pourvoi en cassation.
  • Pour les situations internationales (mariages mixtes, expatriation), d’autres juridictions peuvent être compétentes (ex. : juge aux affaires familiales de Paris spécialisé en matière internationale).

La justice familiale, en multipliant les juges compétents, vise à mieux sécuriser les parcours de vie et à garantir une adaptation optimale à chaque situation personnelle.

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