04/10/2025

Déroulement concret d’une audience de conciliation lors d’un divorce : étapes, acteurs et conseils pratiques

Pourquoi une audience de conciliation : l’objectif du législateur

Avant de se plonger dans le déroulement de l’audience de conciliation, il est utile de rappeler pourquoi cette étape existe et ce qu’elle vise. Imposée par la loi n°2004-439 du 26 mai 2004 réformant le divorce, l’audience de conciliation a pour objectif de favoriser une solution amiable entre les époux, même lorsque la séparation semble inéluctable. Le juge aux affaires familiales (JAF) tente ainsi de limiter le coût humain et financier du conflit, tout en assurant la protection des enfants et des personnes vulnérables.

En France, cette audience concerne principalement les divorces contentieux (divorce pour faute, altération définitive du lien conjugal, acceptation du principe de la rupture). Le divorce par consentement mutuel, depuis 2017, échappe au juge dans la grande majorité des cas (Ministère de la justice).

Convocation et pièces à préparer : l’avant-audience

  • Convocation : Après le dépôt de la requête en divorce par l’un des époux ou son avocat, le greffe du tribunal familial remet à chacun une convocation précisant la date et l’heure de l’audience de conciliation.
  • Pièces à fournir :
    • Livret de famille et actes d’état civil
    • Documents relatifs aux enfants (jugements précédents, attestations de scolarité, etc.)
    • Justificatifs de revenus, charges, et situation patrimoniale (bulletins de salaire, relevés bancaires, quittances de loyer...)
  • Avocat : La présence de l’avocat n’est pas obligatoire à ce stade, mais vivement recommandée, surtout si les enjeux patrimoniaux ou familiaux sont importants.

Environ 60 % des époux sont assistés d’un avocat dès la conciliation, et ce chiffre grimpe à plus de 80 % pour les procédures ultérieures (Insee, 2021).

Le jour de l’audience : accueil et déroulement logistique

  • Accueil au tribunal : L’audience se tient généralement dans une salle du tribunal judiciaire ou de proximité devant le juge aux affaires familiales.
  • Appel des parties : Le greffier effectue l’appel nominal. Chacun doit présenter une pièce d’identité.
  • Déroulement général : Les audiences sont souvent collectives, plusieurs dossiers passant à la suite. Il est conseillé d’arriver avec 15 à 20 minutes d’avance.

Déroulement de l’audience de conciliation : étapes successives

1. L’entretien individuel avec le juge

La particularité de la conciliation : le juge reçoit d’abord chaque époux séparément, sans la présence de l’autre, puis éventuellement avec leur avocat. Cette phase confidentielle vise à permettre à chacun de s’exprimer librement sur les difficultés rencontrées, sans crainte de pression directe.

Le juge pose plusieurs questions-clés :

  • Quelles raisons motivent la demande de divorce ?
  • Quelles sont vos attentes concernant les enfants ?
  • Souhaitez-vous explorer une réconciliation ? (le juge demeure légalement obligé de proposer la réconciliation, même si elle est rare dans la pratique : moins de 2 % des dossiers selon le Guide statistique de la justice 2018)

2. L’audience commune

Après les entretiens séparés, le juge rassemble les deux époux, accompagnés de leurs éventuels avocats. Le dialogue porte principalement sur les mesures provisoires – lesquelles s’appliqueront le temps de la procédure de divorce.

  • Résidence des enfants (chez un parent ou en alternance)
  • Droit de visite et d’hébergement
  • Pension alimentaire et participation aux charges
  • Utilisation du domicile conjugal et des véhicules

Le juge écoute les propositions de chacun et cherche à rapprocher les positions, afin d’établir un accord au moins partiel sur certains points. Il peut “homologuer” cet accord, ce qui le rend exécutoire, ou fixer d’office les mesures en cas de désaccord.

3. Les mesures d’urgence (cas particuliers)

Dans certaines situations (violences conjugales, mise à l’abri des enfants…), le juge peut ordonner des mesures immédiates et déroger à la procédure habituelle (ordonnances de protection, éloignement d’un conjoint du domicile…). D’après le rapport 2022 de la Chancellerie, moins de 5 % des audiences débouchent sur des mesures urgentes graves, mais ces cas sont traités en priorité.

Le rôle central du juge aux affaires familiales

Le JAF n’est pas un arbitre passif, mais un acteur actif de la conciliation. Outre le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, il prend en compte l’équilibre financier des deux parties.

  • Il peut proposer un médiateur familial lorsque la communication semble bloquée (médiation familiale judiciaire, dont le recours est en augmentation, +18 % entre 2019 et 2023 selon la Statistique annuelle Justice 2023).
  • Il a le pouvoir d’entendre les enfants mineurs, à leur demande ou sur proposition, généralement à partir de 7-8 ans, l’âge de discernement présumé.
  • Il vérifie que l’accord obtenu respecte l’ordre public et les droits fondamentaux.

Une étude du CERCRID (Centre de recherches critiques sur le droit, 2022) montre que les décisions sur la résidence des enfants sont validées selon la volonté commune des parents dans 73 % des cas. Mais le juge n’hésite pas à s’écarter de l’avis parental lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige.

L’après-audience : ordonnance de non-conciliation et suites de la procédure

À l’issue de l’audience, le juge rend une ordonnance de non-conciliation. Ce document fixe les règles provisoires encadrant la vie familiale et matérielle durant la période avant le jugement définitif du divorce.

  • Elle autorise expressément la poursuite de la procédure en divorce.
  • Elle précise qui quitte ou conserve le domicile familial, qui paie quoi, les droits et obligations de chacun envers les enfants, etc.
  • Elle peut être contestée par voie d’appel (délai de 15 jours).

En moyenne, il s’écoule 4 à 8 semaines entre l’audience de conciliation et la réception de l’ordonnance de non-conciliation, selon la charge des greffes et la complexité du dossier (Guide pratique du divorce).

Après l’ordonnance, l’époux demandeur (ou parfois les deux) dispose d’un délai de 3 mois pour assigner officiellement l’autre partie en divorce. Faute de démarche dans un délai de 30 mois, la procédure est automatiquement éteinte (article 1113 du Code de procédure civile).

Conseils pratiques pour bien aborder l’audience de conciliation

  • Préparez votre dossier : Apportez tous les justificatifs nécessaires. Un dossier incomplet retarde la procédure et fragilise votre position.
  • Privilégiez la communication : Tentez, dans la mesure du possible, une discussion préalable pour désamorcer certains points de conflit.
  • Gardez à l’esprit l’intérêt de l’enfant : C’est le critère pivot du juge. Les conflits parentaux non résolus peuvent faire balancer la décision (réalité illustrée par plusieurs statistiques du Ministère de la justice où la résidence alternée est rarement ordonnée en cas de forte conflictualité).
  • Restez factuel : Lors de l’audience, évitez les accusations ou déclarations émotionnelles. Présentez calmement les faits, documents à l’appui.

À retenir sur la conciliation : synthèse des enjeux et évolutions récentes

L’audience de conciliation marque souvent le vrai point de départ de la procédure de divorce contentieux. Si elle n’aboutit pas toujours à une réconciliation (moins de 2 % des cas), elle permet en revanche de baliser un terrain d’entente temporaire indispensable à une séparation moins douloureuse. La médiation familiale et le dialogue y gagnent du terrain, avec des résultats tangibles sur la diminution des litiges ultérieurs.

L’essor du numérique facilite désormais certaines démarches, comme le dépôt de pièces à distance ou la convocation par voie électronique (expérimenté à Paris, Marseille et Lyon dans le cadre de la dématérialisation des procédures—justice.fr, 2023).

L’essentiel après cette audience : ne rien négliger sur les mesures provisoires, car une fois l’ordonnance rendue, ces règles s’imposent jusqu’au jugement définitif. Une bonne préparation en amont et une approche constructive à l’audience sont les clefs pour éviter de longues procédures et préserver au mieux les intérêts de tous.

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